Ce 20 juillet 2023, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a jugé que les ressortissants russes fuyant la mobilisation pour la guerre en Ukraine et les mobilisés ayant déserté leur poste peuvent obtenir le statut de réfugié. Cette décision se fonde principalement sur la législation européenne.
premièrement, la Cour rappelle la directive du 13 décembre 2011, dont le paragraphe 2 article 9, auquel renvoie l’article L. 511-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, prévoit que la qualité de réfugié peut être accordée à une personne qui serait menacée de poursuites ou de sanctions pour avoir refusé d’effectuer son service militaire en cas de conflit à l’occasion duquel pourrait être commis des crimes de guerre (Article 8 du statut de la Cour pénale internationale).
Secondement, la Cour cite un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui reconnaît l’application de cette législation dans le cas où le fait de réaliser son service militaire implique en lui-même de commettre un crime de guerre lors d’un conflit déterminé même lorsque la personne ne participerait qu’indirectement à la commission de tels crimes. Cela dit, il est nécessaire de respecter deux conditions :
- le refus d’accomplir le service militaire doit être le seul moyen pour éviter de participer aux crimes de guerre ;
- et le rattachement de ce refus à un motif de persécution doit être fortement présumé.
Ces deux conditions remplies peuvent justifier alors que le demandeur d’asile ayant refusé d’accomplir le service militaire de son pays puisse se voir attribuer la qualité de réfugié.
Selon les enquêtes réalisées par la Cour, il est établi que des crimes de guerre sont commis par les forces armées russes dans le cadre du conflit international en Ukraine, qu’il était difficile pour un ressortissant russe d’échapper à la mobilisation décidée par le Président Poutine le 21 septembre 2022, les règles régissant la réserve en Russie étant assez larges, et que les réfractaires à cette mobilisation s’exposaient à des poursuites et des sanctions pénales renforcées.
Par voie de conséquence, la Cour a jugé qu’un ressortissant russe appelé à être mobilisé dans le cadre du décret du 21 septembre 2022 devait être considéré comme étant amené à participer, directement ou indirectement, à la commission de crimes de guerre dans le cadre de son service militaire, ce qui justifie qu’il puisse bénéficier du statut de réfugié.
1 Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011.
2 CJUE, 26 février 2015, A. L Shepherd c/ Bundesrepublik Deutschland (C 472/13).