CE, 5 avril 2019, Société Mandataires judiciaires associés, mandataire liquidateur de la société Centre d’exportation du livre français, n° 413712, à mentionner au Recueil
Le Conseil d’État transpose sa jurisprudence « Société Eden » relative à la règle de l’économie de moyens, applicable par le juge de l’excès de pouvoir au recours de plein contentieux.
Le Conseil d’État avait jugé en matière de recours pour excès de pouvoir que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l’excès de pouvoir n’est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d’annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d’autres moyens que celui qu’il retient explicitement comme étant fondés (CE, Section, 21 décembre 2018, Société Eden, n° 409678, à publier au Recueil).
En l’espèce, la société requérante avait bénéficié d’aides d’État considérées comme illégales par la commission européenne. L’État avait donc émis un titre exécutoire à son encontre pour recouvrer l’aide illégalement attribuée.
La société, représentée par son mandataire, avait alors saisi le tribunal administratif de Paris de conclusions tendant non seulement à l’annulation du titre de perception émis à son encontre mais aussi à la décharge de la somme qui lui était réclamée.
Le tribunal administratif de Paris, après avoir fait droit aux conclusions à fin d’annulation du titre de perception attaqué, avait rejeté ses conclusions à fin de décharge de la somme en litige en jugeant que le motif d’annulation du titre de perception, tiré de son insuffisance de motivation, n’impliquait pas nécessairement de prononcer cette décharge.
Le jugement avait été confirmé par la cour administrative d’appel de Paris en jugeant que la tribunal avait suffisamment motivé le rejet des conclusions à fin de décharge présentées par la société requérante. La société a alors saisi le conseil d’État en cassation.
Selon le Conseil d’État, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l’annulation d’un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l’administration, il incombe au juge administratif d’examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.
Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, il n’est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu’il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.
L’arrêt précise également que si le jugement est susceptible d’appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n’a pas fait droit à sa demande de décharge.
Il appartient alors au juge d’appel, statuant dans le cadre de l’effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.
En l’espèce, le Conseil d’État relève qu’il ressort des énonciations du jugement du tribunal administratif de Paris qu’après avoir fait droit aux conclusions à fin d’annulation du titre de perception attaqué par la société, les juges ont rejeté ses conclusions à fin de décharge de la somme en litige en jugeant que le motif d’annulation du titre de perception, tiré de son insuffisante motivation, n’impliquait pas nécessairement de prononcer cette décharge.
En conséquence, il considère que le tribunal doit être réputé avoir nécessairement examiné et écarté l’ensemble des moyens, soulevés devant lui, relatifs au bien-fondé du titre exécutoire et que la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les premiers juges avaient suffisamment motivé le rejet des conclusions à fin de décharge présentées par la société requérante.
Eric GINTRAND
Avocat associé