Requalification de la résiliation aux torts exclusifs du titulaire en résiliation à la demande du titulaire en application de l’article 46.2.1 du CCAG Travaux (retard dans la notification de l’OS) et indemnisation du titulaire

Le 31 juillet 2014, la société Can a demandé au Grand Port Maritime de Marseille la résiliation du marché de travaux dont elle était titulaire en application de l’article 46.2.1 du CCAG Travaux alors applicable (dont le contenu est repris dans le CCAG Travaux 2021). La société Can s’est vue opposer un refus. Le 26 février 2015, cette société a déposé un mémoire en réclamation.

Cependant, par une décision du 5 mars 2015, le Grand Port Maritime de Marseille a résilié le marché aux torts exclusifs du titulaire.

La société Can a soutenu que sa responsabilité contractuelle ne pouvait pas être engagée puisque sa demande de résiliation découlait de la notification tardive du premier ordre de service en application des stipulations précitées du CCAG.

La Cour administrative d’appel de Marseille, sur renvoi du Conseil d’Etat, a validé son raisonnement.

Elle rappelle que lorsque, comme en l’espèce, le titulaire du marché en a demandé la résiliation avant tout commencement d’exécution en raison du retard mis à lui notifier l’ordre de service de commencer les travaux, seules sont applicables, à l’exclusion de toutes autres stipulations relatives aux modalités de règlement des différends susceptibles de s’élever à l’occasion de l’exécution du marché, les stipulations de l’article 46.2.1 du CCAG Travaux auquel renvoie l’acte d’engagement.

Cet article prévoit que « Dans le cas où le marché prévoit que les travaux doivent commencer sur un ordre de service intervenant après la notification du marché, si cet ordre de service n’a pas été notifié dans le délai fixé par le marché ou, à défaut d’un tel délai, dans les six mois suivant la notification du marché, le titulaire peut : / -soit proposer au représentant du pouvoir adjudicateur une nouvelle date de commencement de réalisation des prestations du marché (…) / – soit demander, par écrit, la résiliation du marché. / Lorsque la résiliation est demandée par le titulaire en application du présent article, elle ne peut lui être refusée. / (…) / Lorsque la résiliation est prononcée à la demande du titulaire en application du présent article, celui-ci est indemnisé des frais et investissements éventuellement engagés pour le marché et nécessaires à son exécution. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de deux mois, à compter de la notification de la décision de résiliation. »

Dès lors, puisque l’ordre de service de la première tranche du marché est parvenu à la société Can le 21 juillet 2014, soit après expiration du délai de six mois suivant la notification du marché, le maître d’ouvrage ne pouvait, en vertu des stipulations précitées de l’article 46.2.1 du CCAG, refuser de faire droit à la demande de résiliation que lui a adressée la société Can le 31 juillet 2014, dont il a accusé réception le lendemain.

Elle en déduit que la décision du Grand Port Maritime de Marseille du 5 mars 2015 par laquelle a été résilié le marché doit être réputée prononcée, non comme il le fait valoir, aux torts du titulaire, mais sur le fondement des stipulations précitées de l’article 46.2.1 du CCAG. Il en résulte également que le mémoire en réclamation du 26 février 2015 adressé par la société Can au Grand Port Maritime de Marseille revêt le caractère non d’un mémoire en réclamation au sens de l’article 50.1.1 du CCAG, mais celui de la demande écrite, prévue par le dernier alinéa de l’article 46.2.1, présentée en vue d’être indemnisée de ses frais et investissements.

La Cour administrative d’appel en profite pour rappeler le droit à indemnisation de la société Can en précisant que les circonstances suivantes ne suffisaient pas à le remettre en cause :

  • l’autorisation de travaux de la direction départementale des territoires et de la mer n’a été délivrée que le 4 mai 2014 ;
  • la signature par la société Can le 2 juin 2014 d’un avenant modifiant la zone de dragage définie initialement par le marché ;
  • les échanges survenus entre les co-contractants au cours de cette période de six mois.

La juridiction ajoute, comme cela se rencontre régulièrement, que dans la mesure où le CCAP du marché en litige prévoyait que la période de préparation de trente jours, non comprise dans le délai d’exécution des travaux, courait à compter de la date de notification des travaux, en l’espèce à compter du 30 janvier 2014, le Grand Port Maritime de Marseille ne peut soutenir qu’en engageant des dépenses avant d’avoir reçu l’ordre de commencer les travaux et hors période de préparation, la société Can a manqué aux principes de loyauté et de bonne foi des relations contractuelles.

Ainsi, la Cour administrative d’appel a accordé une indemnisation à la société Can correspondant aux frais et investissements engagés pour le marché et nécessaires à son exécution à hauteur de la somme totale de 644 656,16 euros TTC.

Alexandre Riquier
Avocat associé

Clarisse Prieur—Marnier
Juriste stagiaire

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