CE, 20 septembre 2019, Collectivité territoriale de Corse, req. n° 421075, à mentionner dans les tables du Recueil

Le pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché public à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation. Il est tenu notamment d’éliminer, sans en apprécier la valeur, les offres incomplètes, c’est-à-dire celles qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrégulières.

Toutefois, selon l’arrêt, cette obligation ne fait pas obstacle à ce que ces documents prévoient en outre la communication, par les soumissionnaires, d’éléments d’information qui, sans être nécessaires pour la définition ou l’appréciation des offres et sans que leur communication doive donc être prescrite à peine d’irrégularité de l’offre, sont utiles au pouvoir adjudicateur pour lui permettre d’apprécier la valeur des offres au regard d’un critère ou d’un sous-critère et précisent qu’en l’absence de ces informations, l’offre sera notée zéro au regard du critère ou du sous-critère en cause.

En l’espèce, pour juger que l’offre d’un groupement d’entreprises était incomplète et, donc, irrégulière, la Cour administrative d’appel de Marseille avait relevé qu’elle ne comportait pas certaines informations, relatives notamment aux matériaux utilisés pour la réalisation des travaux et à leurs fiches techniques.

Selon l’arrêt, en jugeant ainsi que la communication de ces éléments relatifs au contenu des offres était prescrite par le règlement de la consultation, la Cour n’a pas dénaturé celui-ci.

Le Conseil d’État juge par ailleurs que la Cour n’a pas commis aucune erreur de droit.

En effet, alors même que ce règlement prévoyait, parmi les critères d’attribution, un critère de la valeur technique divisé en un sous-critère relatif à la méthodologie employée, un sous-critère relatif aux matériels employés et aux personnels affectés et un sous-critère relatif à la qualité des matériaux et des prestations et qu’il ajoutait, en des termes au demeurant ambigus, que  » toute absence de renseignement d’un sous-critère sera sanctionnée d’une note égale à zéro « , la production d’informations sur la qualité des matériaux employés, notamment de leurs fiches techniques, ne pouvait être regardée que comme une production d’éléments nécessaires prescrite par le règlement, dont l’absence dans une offre entraînait nécessairement son irrégularité.

Rappelons que le conseil d’État a déjà jugé :

Que le règlement de la consultation d’un marché public est obligatoire dans toutes ses mentions et que l’administration ne peut en conséquence attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement (CE, 23 novembre 2005, Société Axialogic, req. n° 267494 : Rec. CE Tables, p. 966 ).

Même solution dans le cadre de la passation d’une concession (CE, 22 mai 2019, Société Corsica Ferries, req. n° 426763, à mentionner aux Tables).

Qu’une offre qui, à défaut de contenir toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation, est incomplète et irrégulière et doit être éliminée. Il appartient alors au pouvoir adjudicateur de vérifier si les candidats au marché justifient, lors du dépôt de leur offre, qu’ils ont entrepris les démarches suffisantes pour disposer effectivement du matériel nécessaire au commencement de l’exécution du marché, et d’éliminer les offres qui ne remplissent pas cette condition (CE, 12 janvier 2011, Département du Doubs, req. n° 343324 : Rec. CE, , Tables, p. 1009).

Qu’une entité adjudicatrice peut s’affranchir des exigences du règlement de la consultation quand la fourniture des éléments demandés ne présente pas d’utilité pour l’appréciation de l’offre, notamment parce que ces informations ont un caractère public (CE, 22 décembre 2008, Ville de Marseille, req. n° 314244 : Rec. CE, Tables, p. 808).

Qu’une autorité concédante ne peut attribuer un contrat de concession à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par le règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres. Dans cette affaire le Conseil d’État avait jugé l’obligation imposée aux candidats par le règlement de la consultation de déposer une version sur support numérique des dossiers de candidature n’était pas une formalité inutile, en raison notamment de ce qu’elle avait pour objet de permettre l’analyse des candidatures déposées dans des délais contraints.

En conséquence, il avait jugé que l’absence de version sous format dématérialisé du dossier de candidature de la société avait pour effet de rendre cette candidature incomplète au sens de l’article 23 du décret du 1er février 2016, alors même qu’une version sous format papier comportant les pièces et informations demandées avait été également déposée (CE, 22 mai 2019, Société Corsica Ferries, n° 426763, à mentionner aux Tables).

Eric GINTRAND
Avocat associé

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