CE, 26 juin 2019, M. L… et autres, req. n° 417386, à mentionner au Recueil
Par un jugement n° 2016-0031 du 14 octobre 2016, la chambre régionale des comptes d’Île-de-France a décidé qu’il n’y avait pas lieu de déclarer une gestion de fait à raison des faits constatés dans le cadre de la gestion des deniers de la Ville de Paris, mettant en cause l’association » La Ruche du 4 » pour le recouvrement de recettes de sous-location de l’Espace d’animation des Blancs Manteaux, appartenant au domaine public de la Ville de Paris.
Par un arrêt n° S2017-3657 du 16 novembre 2017, la Cour des comptes a, d’une part, infirmé ce jugement en ce qu’il a conclu au défaut d’intérêt pratique de la déclaration de gestion de fait, et, d’autre part, déclaré Mme C…E…, ancienne présidente de l’association » La Ruche du 4 « , Mme G…H…, ancienne maire du quatrième arrondissement de Paris, pour la période du 29 septembre 2010 au 3 juillet 2012, et Mme F…A…et M. D…B…, anciens directeurs généraux des services de la mairie du quatrième arrondissement, chacun pour les seules opérations qui correspondent à leur période d’activité personnelle, conjointement et solidairement comptables de fait des deniers de la Ville de Paris.
En cassation, le Conseil d’État casse l’arrêt de la Cour des comptes.
Le Conseil d’État rappelle tout d’abord que, sauf dans les cas où la loi autorise l’intervention d’un mandataire, il résulte de l’article L.2343-1 du code général des collectivités territoriales ainsi que de l’article 11, du troisième alinéa de l’article 14 et de l’article 18 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 que, sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l’article 14 et de l’article 18 de ce décret, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne peuvent décider par convention de faire exécuter une partie de leurs recettes ou de leurs dépenses par un tiers autre que leur comptable public, lequel dispose d’une compétence exclusive pour procéder au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses publiques.
A noter que le Conseil d’État avait précisé les règles régissant les mandats conclus en matière de recettes et de dépenses publiques (CE, section des finances, Avis n° 373.788 du 13 février 2007 relatif aux conditions de validité des conventions de mandat conclues en matière de recettes et de dépenses publiques des collectivités territoriales).
S’agissant de savoir si les recettes perçues par un cocontractant de l’administration sont susceptibles de caractériser une gestion de fait, l’arrêt précise qu’il appartient au juge des comptes de rechercher si, au regard de l’objet du contrat et de l’action du cocontractant, les recettes que ce dernier perçoit peuvent recevoir la qualification de recettes publiques.
Tel est le cas lorsque l’administration a entendu confier à un organisme public ou privé l’encaissement de produits ou de revenus correspondant à la fourniture d’un bien ou d’un service par l’administration elle-même, un tel encaissement ne pouvant alors être organisé que dans les conditions prévues par la loi. Rappelons également que l’encaissement de produits domaniaux par une personne non habilité par un mandat d’encaissement est constitutif d’une gestion de fait. Il en est ainsi par exemple des produits de la location d’une salle polyvalente perçus par une association culturelle (C.R.C. Alsace, 3 juin 1986).
En revanche, ne peuvent être qualifiées de recettes publiques les sommes correspondant au produit que le cocontractant tire de son activité propre d’exploitation d’un bien ou d’une prestation de services. En l’espèce, l’Association avait pour activité la prospection et l’organisation de manifestations organisées au sein de la dépendance du domaine public de la Ville de Paris.
Le Conseil d’État juge que si les sommes reçues par la mairie en application des contrats passés avec l’association ont le caractère de recettes publiques, la Cour a entaché son arrêt d’une erreur de qualification juridique des faits en estimant que les recettes perçues par l’association » La Ruche du 4 » en contrepartie de son activité propre de location de la salle polyvalente de l’Espace d’Animation des Blancs-Manteaux présentaient le caractère de recettes publiques.
En l’espèce, les revenus de la sous-location des salles correspondait à l’activité même de l’association et n’avaient donc pas le caractère de revenus domaniaux qui constituent des recette publiques.
Eric GINTRAND
Avocat associé