CE, Section, 6 décembre 2019, Syndicat des copropriétaires du Monte Carlo Hill, req. n° 417167, à mentionner au Recueil

Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l’exécution de travaux publics ou dans l’existence ou le fonctionnement d’un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s’il constate qu’un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s’abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures.

Rappelons toutefois, qu’il ne peut user d’un tel pouvoir d’injonction que si le requérant fait également état, à l’appui de ses conclusions à fin d’injonction, de ce que la poursuite de ce préjudice, ainsi réparé sur le terrain de la responsabilité sans faute du maître de l’ouvrage, trouve sa cause au moins pour partie dans une faute du propriétaire de l’ouvrage. Il peut alors enjoindre à la personne publique, dans cette seule mesure, de mettre fin à ce comportement fautif ou d’en pallier les effets (CE, 27 juillet 2015, M. A… ,req. n° 367484 : Rec. CE,  p. 285).

Par ailleurs, pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il incombe au juge, en prenant en compte l’ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d’abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d’un ouvrage, mais dans l’exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l’ouvrage et, si tel est le cas, de s’assurer qu’aucun motif d’intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l’abstention de la personne publique (CE, 18 mars 2019, Commune de Chambéry, req. n° 411462, à mentionner aux tables du Recueil).

En l’absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d’injonction, mais il peut décider que l’administration aura le choix entre le versement d’une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d’exécution.

Pour la mise en œuvre de ses pouvoirs, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d’injonctions, dans les conditions précises ci-dessus, alors même que le requérant demanderait l’annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d’injonction à prendre de telles mesures.

Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel, après avoir constaté que la responsabilité de la commune était engagée vis-à-vis d’un tiers du fait d’un dommage de travaux publics et, qu’en l’absence de faute de la victime, la commune devait être condamnée à réparer l’intégralité des dommages subis par le syndicat des copropriétaires du Monte Carlo Hill, avait rejeté les conclusions du syndicat requérant tendant à ce qu’il soit enjoint à la commune de faire procéder aux travaux de reprise nécessaires pour mettre fin au défaut d’étanchéité de la voie piétonne au motif que la commune de Beausoleil n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en décidant de ne pas procéder à de tels travaux, eu égard notamment à leur coût au regard des priorités budgétaires de la commune.

Selon l’arrêt commenté, en statuant ainsi, alors qu’il  incombait à la Cour, après avoir constaté, d’une part, que l’action engagée tendait à la mise en cause de la responsabilité de la commune et non, seulement, à l’annulation du refus de la commune d’exécuter des travaux, d’autre part, que le dommage perdurait, de déterminer si l’abstention de réaliser les travaux demandés était, eu égard au coût des travaux rapporté à la gravité du préjudice et à l’existence éventuelle d’une atteinte à l’intérêt général, constitutive d’une faute, cette dernière a commis une erreur de droit.

Eric GINTRAND
Avocat associé

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