CE, 25 juin 2020, Département de Seine-Saint-Denis c/ Société Transports rapides automobiles, n° 418446, à mentionner aux tables du Recueil
Le Conseil d’État précise l’office du juge saisi d’un litige d’exécution d’un contrat prévoyant le versement d’une subvention dans le cadre d’un régime d’aides d’État non notifié à la Commission européenne.
En l’espèce, la région Ile-de-France avait institué un dispositif d’aides à l’investissement dans les services de transport en commun de voyageurs, prévoyant le reversement de la subvention versée à la collectivité publique maître d’ouvrage à l’entreprise, lorsque cette dernière finance l’investissement.
Ce dispositif n’avait pas été notifié mais la commission européenne avait déclaré que si ces subventions constituaient une aide d’État, elle était compatible avec le traité de l’Union.
Le département avait conclu dans un contrat d’exploitation de lignes d’autobus ou d’autocars mais n’ayant pas reçu l’aide régionale avait refusé de verser l’aide correspondant aux investissement réalisés par la société.
Faisant application de la jurisprudence « Béziers », (CE, Ass., 28 décembre 2009, Commune de Béziers, req. n° 304802 : Rec. CE, p.509), le conseil d’État considère que l’illégalité de la délibération du conseil régional ne présent pas un caractère d’une gravité suffisante qu’elle doive conduire à écarter les stipulations du contrat qui prévoient, dans le cas où les subventions ne seraient pas versées, de mettre les sommes correspondantes à la charge du département et règle le litige sur le terrain contractuel.
En l’espèce, l’aide ayant été déclarée compatible avec le marché intérieur, postérieurement à la délibération du conseil régional, le Conseil d’État juge que la faute n’était pas d’une gravité suffisante pour écarter les dispositions du contrat et le litige devait être réglé sur le terrain contractuel, sous réserve des intérêts dus au titre de la période d’illégalité qui précède la décision de la commission, dont la société ne saurait, selon l’arrêt, revendiquer le paiement sur le terrain contractuel.
Rappelons qu’il ressort de la compétence exclusive de la Commission européenne de décider sous le contrôle des juridictions de l’Union si une aide est compatible ou non avec le Marché (CJCE, 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung I, Österreiche.a, Aff. C-36804).
Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 15 avril 2016, Association Vent de colère ! Fédération nationale, req. n° 393721 : Rec. CE, p. 13), il incombe en revanche aux juridictions nationales de sauvegarder, jusqu’à la décision de la commission, les droits des justiciables, en cas de violation de notification préalables des aides d’État à la Commission.
Lorsque celle-ci a adopté une décision définitive constatant l’incompatibilité de l’aide avec le marché intérieur, la sanction de cette illégalité n’implique pas que le juge, saisi sur le fondement de l’article 911-5 du code de justice administrative, enjoigne à l’administration de revenir sur les mesures prises en application de cet acte mais elles sont tenues de veiller, dans cette hypothèse, à ce que soit mis à la charge des bénéficiaires de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité.
Toutefois, lorsque le conseil d’État a annulé un acte réglementaire instituant une aide d’état en méconnaissance de l’obligation de notification préalable à la Commission européenne, il incombe à l’État de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le recouvrement auprès des bénéficiaires de l’aide, selon le cas des aides ou des intérêts versés sur la période d’illégalité.
Lorsqu’il constate que les mesures nécessaires n’ont pas été prises, le juge prescrit, sur le fondement des dispositions du livre IX du CJA, les mesures d’exécution impliquées par l’annulation de cet acte réglementaire afin d’assurer la pleine effectivité du droit de l’Union.
Eric GINTRAND
Avocat associé