CE, 17 juin 2019, Association Les amis de la Terre France, req. n° 421871, à mentionner au Recueil

L’association Les amis de la Terre France avait demandé au Conseil d’État l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au préfet, pris en application de l’article 37-1 de la Constitution, qui permet, pendant une durée de deux ans, aux préfets des régions Pays de la Loire et Bourgogne-Franche-Comté, aux préfets des départements de ces régions et des départements du Lot, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Creuse ainsi qu’au préfet de Mayotte et au représentant de l’État à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et, par délégation, au préfet délégué dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, de déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’État dans les matières et conditions qu’il fixe.

À cette occasion le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles le pouvoir réglementaire peut autoriser des expérimentations en vertu de l’article 37-1 de la Constitution.

Selon l’article 37-1 de la Constitution :  » La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental « .

Selon l’arrêt, il résulte de ces dispositions que le pouvoir réglementaire peut, dans le respect des normes supérieures, autoriser des expérimentations permettant de déroger à des normes à caractère réglementaire sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, dès lors que ces expérimentations présentent un objet et une durée limités et que leurs conditions de mise en œuvre sont définies de façon suffisamment précise.

A cet égard, il constate que le décret attaqué autorise les préfets concernés à déroger de façon ponctuelle, pour la prise d’une décision non réglementaire relevant de leur compétence, aux normes réglementaires applicables dans certaines matières limitativement énumérées et qu’il prévoit que ces dérogations ne peuvent être accordées que dans le respect des normes supérieures applicables.

Il précise ensuite que si le pouvoir réglementaire peut ne pas préciser d’emblée les normes réglementaire susceptibles de faire l’objet d’une dérogation, ni, le cas échéant, les règles ayant vocation à s’y substituer, il doit alors nécessairement identifier précisément les matières dans le champ desquelles cette dérogation est possible ainsi que les objectifs auxquels celle-ci doit répondre et les conditions auxquelles elle est soumise.

En l’espèce, il juge que si le décret attaqué ne désigne pas précisément les normes réglementaires auxquelles il permet de déroger, il limite ces dérogations, d’une part, aux règles qui régissent l’octroi des aides publiques afin d’en faciliter l’accès, d’autre part, aux seules règles de forme et de procédure applicables dans les matières énumérées afin d’alléger les démarches administratives et d’accélérer les procédures.

Enfin, il constate que le décret ne permet une dérogation que sous la conditions qu’elle réponde à un motif d’intérêt général, qu’elle est justifiée par les circonstances locales, qu’elle ne porte pas atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens et qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Il juge en conséquence que le décret contesté, dont le champ et la durée d’application sont limités, n’autorise, dans le respect des normes supérieures, que des dérogations dont l’objet est limité et dont les conditions de mise en œuvre sont définies de façon précise et qu’il ne méconnaît ni les dispositions de l’article 37-1 de la Constitution, ni la loi.

Eric GINTRAND
Avocat associé

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