CAA Nantes, 10 décembre 2019, , Ministre de la transition écologique et solidaire, Commune de la Faute sur Mer, Association syndicale autorisée de la Vallée du Lay, Consorts M., req. n°s 18NT01531, 18NT01546, 18NT01620, 18NT01621, 18NT01642
La cour administrative d’appel de Nantes a examiné 116 dossiers relatifs aux responsabilités encourues du fait des conséquences matérielles et humaines de la tempête Xynthia qui, au cours de la nuit du 27 au 28 février 2010, a inondé une partie du territoire de la commune de La-Faute-Sur-Mer, en raison de la submersion de l’ouvrage de protection dénommé « digue Est », entraînant la mort par noyade de plusieurs personnes et d’importants dégâts matériels.
Ces 116 requêtes qui concernaient 25 familles avaient été introduites devant la cour par la commune de La-Faute-Sur-Mer, l’État (ministre de la transition écologique et solidaire), l’association syndicale de la Vallée du Lay (ASVL) et les familles des victimes, qui ont fait appel des jugements rendus les 12 février et 6 juillet 2018 par le tribunal administratif de Nantes, qui avait statué en première instance sur les responsabilités encourues et fixé le montant des indemnités accordées.
La cour administrative d’appel de Nantes avait déjà, le 19 juillet 2019, confirmé la responsabilité de la commune de La Faute-Sur-Mer, de l’État et de l’association syndicale de la Vallée du Lay (ASVL) ainsi que la part de responsabilité incombant à chacun d’entre eux, soit 50% pour la commune, 35% pour l’État et 15% pour l’association syndicale.
La responsabilité de la commune a été confirmée dans la mesure notamment où son maire a omis d’informer la population de la Faute-sur-Mer des risques d’inondation auxquels elle était exposée et a délivré des permis de construire dans des zones à risque, sans les assortir de prescriptions suffisantes pour prévenir le danger.
La responsabilité de l’État a été également confirmée par la Cour pour avoir commis une faute lourde dans l’exercice de sa mission de tutelle sur les associations syndicales autorisées chargées de l’entretien de la digue Est et avoir omis d’établir un plan de prévention des risques d’inondation.
Enfin, la responsabilité de l’ASVL a également été confirmée au motif qu’elle n’avait pas suffisamment attiré l’attention des acteurs locaux sur son incapacité à réaliser les travaux de rehaussement de cette digue.
Les préjudices indemnisés par la Cour sont les suivants :
Au titre des préjudices matériels et financiers : la perte de biens et d’objets personnels dans les maisons inondées, l’indemnisation de la perte de revenus professionnels.
Au titre des préjudices personnels : le préjudice moral subi par ceux qui ont perdu des membres de leur famille au cours de la tempête, le préjudice d’ « angoisse de mort » subi par les victimes décédées (souffrances morales endurées par les personnes prenant conscience de leur mort imminente par noyade ; l’indemnisation de ce préjudice bénéficie aux héritiers), le préjudice résultant des souffrances physiques subies par les survivants au cours de la tempête.
Les requêtes présentées par l’État, la commune de La Faute-Sur-Mer et l’ASVL en vue de la réduction des sommes au paiement desquelles ils avaient été condamnés en première instance ont été rejetées.
Rappelons que la responsabilité de l’État dans le cadre de sa mission de tutelle ne peut être engagée que pour faute lourde, comme c’est le cas par exemple en matière de contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales (CE, 6 octobre 2000, Min. Intérieur c/ Cne de Saint-Florent et a. : Rec. CE, p 395 ; RFD adm. 2000, p. 1356 ; AJDA 2001, p. 201, note Cliquennois ; JCP 2001. II. 10516, note Rouault ; Les Petites Affiches 2001, no 132, chron. Guettier).
Éric GINTRAND
Avocat associé