CE, 6 février 2019, Société Fives Solios, req. n°414064
A la suite de désordres survenus pendant les travaux de modernisation d’une usine d’incinération de déchets ménagers, le maître de l’ouvrage et l’exploitant avaient demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le maître d’œuvre à réparer les préjudices qu’ils estimaient avoir subis du fait des fautes commises par ce dernier dans la conception et la construction du dispositif de traitement des fumées de l’usine d’incinération.
Par un jugement du 11 juin 2015, le tribunal administratif avait condamné le maître d’œuvre à verser les sommes de 64 662,31 euros à l’exploitant et de 971 041,24 euros au maître de l’ouvrage.
En appel, la Cour avait rejeté les appels en garantie du maître d’œuvre tendant à ce que la maître de l’ouvrage et les deux entreprises de travaux, le garantissent de la somme de 64 662,31 euros qu’elle doit verser à l’exploitant.
Le Conseil d’Etat juge que lorsque la responsabilité du constructeur d’un ouvrage public est mise en cause par la victime d’un dommage dû aux désordres affectant l’ouvrage public, il est fondé, sauf clause contractuelle contraire, à demander à être garanti en totalité par le maître d’ouvrage, dès lors que la réception des travaux à l’origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi ni au titre de la garantie de parfait achèvement, ni au titre de la garantie décennale.
Selon l’arrêt, la CAA, en rejetant les conclusions d’appel en garantie présentées par le maître d’œuvre contre le maître de l’ouvrage, au seul motif que celui-ci n’avait commis aucune faute contractuelle susceptible de fonder l’appel en garantie, alors même que la réception du chantier avait été prononcée sans réserve, a entaché son arrêt d’erreur de droit.
Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, la fin des rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur des travaux, consécutive à la réception sans réserve d’un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l’entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d’ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n’étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n’en irait autrement – réserve étant faite par ailleurs de l’hypothèse où le dommage subi par le tiers trouverait directement son origine dans des désordres affectant l’ouvrage objet du marché et qui seraient de nature à entraîner la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs envers le maître d’ouvrage sur le fondement des principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil – que dans le cas où la réception n’aurait été acquise à l’entrepreneur qu’à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part (CE, Sect., 15 juillet 2004, Syndicat intercommunal d’alimentation en eau des communes de la Seyne et de la région Est de Toulon, req . n° 235053 : Rec. CE, p. 345).
Eric GINTRAND
Avocat associé