CE, 17 juin 2019, Centre hospitalier de Vichy, req. n° 413097, à mentionner au Recueil
Cet arrêt du Conseil d’État marque une importante nuance quant à l’application de la jurisprudence Czabaj aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique.
Pour rappel, la jurisprudence Czabaj (CE, 13 juillet 2016, n° 387763) établit un principe de sécurité juridique selon lequel le destinataire d’une décision administrative individuelle doit, s’il souhaite obtenir l’annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait excéder un an, sauf circonstances particulières. Ce principe vise à éviter la remise en cause indéfinie de décisions administratives, consolidant ainsi la sécurité juridique des situations.
Toutefois, le Conseil d’État a jugé que cette jurisprudence Czabaj n’est pas applicable aux recours en responsabilité dirigés contre une personne publique, car ces recours ne visent pas l’annulation ou la réformation de la décision administrative rejetant une réclamation préalable, mais la condamnation de la personne publique à réparer le préjudice. En d’autres termes, le recours en responsabilité a un objet différent du recours pour excès de pouvoir, et par conséquent, les mêmes exigences de délai ne s’appliquent pas.
Le Conseil d’État a souligné que la sécurité juridique, qui vise à éviter la remise en cause indéfinie de situations juridiques, est déjà assurée par d’autres mécanismes, à savoir les règles de prescription. Celles-ci sont prévues par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, qui fixe la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics, ou encore, en ce qui concerne les dommages corporels, par l’article L. 1142-28 du code de la santé publique.
Dans cette affaire, la requérante, Mme A…, avait contesté une décision de rejet de sa réclamation par un centre hospitalier, suite à une faute commise par ce dernier. La décision notifiée par le centre hospitalier ne mentionnait pas le fait que le délai de recours contentieux pouvait être interrompu en cas de saisine de la commission de conciliation et d’indemnisation, comme le prévoit l’article L. 1142-7 du code de la santé publique. Dès lors, le Conseil d’État a estimé que le délai de recours contentieux n’était pas opposable à Mme A…, et que la cour administrative d’appel avait légitimement rejeté l’argument du centre hospitalier concernant la tardiveté du recours.
En conclusion, l’arrêt confirme que les règles de prescription s’appliquent aux recours en responsabilité et que la jurisprudence Czabaj, avec son délai raisonnable d’un an, n’est pas applicable aux recours en indemnisation contre des personnes publiques. De plus, cet arrêt met en avant l’importance de la qualité de l’information donnée aux administrés concernant leurs voies et délais de recours, et précise que l’absence de certaines mentions peut entraîner l’inopposabilité du délai de recours.
Eric GINTRAND
Avocat associé